dimanche 16 novembre 2008

Ma lubie du moment... Jean-Pierre Blanchard, aéronaute.

(ARTICLE EN COURS, VERSION NON DEFINITIVE)

Mais qui se souvient encore de Jean-Pierre Blanchard ? Les écoliers des Andelys, sans doute, contraints malgré eux d’honorer la mémoire de celui qui donna son nom à leur école, les promeneurs de Calais, peut être, qui au hasard d’un détour ont une fois contemplé, dubitatifs, la colonne commémorative de l’illustre aéronaute français ou bien encore quelques tordus du ballon ou de l’histoire des sciences suffisamment calés sur la valeur énergétique de l’hydrogène.

Jean-Pierre Blanchard, physicien-aéronaute, aussi célèbre en son temps qu’injustement méconnu aujourd’hui et dont la gloire n’eût d’égale que sa malchance, a su montrer malgré lui que la détermination élève au prestige quand bien même vous aviez déjà sombré dans l’abîme du ridicule le plus cruel. Certes, cette élévation, ou plutôt « ascension », devait s’effectuer avec pertes et fracas mais notre homme était aussi têtu que courageux. Son histoire, que nous narrerons bientôt, en apportera la preuve.

Le 4 juillet 1753, en la paroisse Saint Sauveur du Petit Andely dans l’Eure, un tourneur, ébéniste, armurier, machiniste devait parapher l’acte de baptême de son fils, le petit Jean-Pierre. Il ne se doutait certainement pas qu’il inaugurait ainsi cinquante-six ans de l’existence trépidante et rocambolesque d’un futur pionnier de l’aéronautique. Pourtant, les évènements allaient s’enchaîner assez vite et le petit Jean-Pierre faire montre de talents aussi précoces que fantaisistes.

A l’âge de douze ans, le jeune garçon concevait un piège à rat qui avait ceci de particulier qu’il offrait au rat malchanceux l’occasion fatale de se tirer directement une balle dans la tête. Autodidacte, il fabrique des automates et des voitures à pédales. Par la suite, alors âgé de seize ans, Jean-Pierre Blanchard inventait un procédé inédit de pompe hydraulique permettant d’alimenter le château Gaillard depuis les rives de la Seine située 122 mètres plus bas (l’expérience fut renouvelée à Grenoble et Vernon).

Dans les années 1770, Blanchard travaillait à la réalisation de machines volantes « plus lourdes que l’air » dont l’une impliquait que les occupants « rament » en l’air afin d’actionner de grandes ailes mobiles fixées à une nacelle habitée, elle-même surplombée par un ballon gonflé à l’hydrogène, gaz découvert en 1766 par Cavendish. Il s’agit de son premier projet de « vaisseau volant ayant la forme d’un oiseau, muni de six ailes et de gouvernail ». Le pari est ambitieux car il entendait résoudre le problème majeur qui allait préoccuper les aéronautes pendant plus d’un siècle : comment rendre les aérostats dirigeables ?

Un siècle plus tard, cette préoccupation allait être reprise par Nadar qui croyait lui aussi en la possibilité et le gain de machines volantes "plus lourdes que l'air"". Bien que le succés futur du dirigeable et du Zeppelin allait lui donner tort, Nadar que le ballon aérostatique, trop léger, ne permettait pas la navigaition. Il alla jusqu'à dire que sous cette forme le ballon conduirait à "la fin de l'aéronautique."

Mais revenons à Blanchard. L'aéronaute balbutiant organise donc une démonstration publique le 5 mai 1782, mais son engin alourdi par trop de sophistications inutiles ne pourra décoller. Echéc de la tentative de faire voler une machine plus lourde que l'air. Le physicien Lalande, lui expliquera l’inanité de son projet et Blanchard comprend qu’il doit alléger son ballon et renoncer à son encombrante ramure qui ne lui est d’ailleurs d’aucun secours. Suite à cet échec navrant qui le couvre de ridicule, Jean-Pierre Blanchard se trouve être la cible de toutes les moqueries : une multitude de caricatures fort désavantageuses le représentent cloué au sol s’escrimant avec sa machine infernale et de nombreuses chansons satiriques s’en donnent à cœur joie pour l’humilier un peu plus.

Dans un élan aussi désespéré qu’audacieux, il tente de rallier les parisiens moqueurs et incrédules à sa cause en affirmant publiquement faire l’objet d’une prophétie de Nostradamus (Journal de Paris, 23 mai 1782) :

En l’an mille sept cent, octante plus et moins

Attendres dans le Ciel étrange phénomène

Grande ville aux abois qui force gens promène

Tous jusqu’aux Marmots veulent être témoins.

Plus de guerre n’est bruit et quoi qu’on en espère,

Chacun d’iceux sera dupe de la Chimère.

Quoi qu’il en soit, la ténacité de Blanchard le conduit rapidement à ses fins et le 2 (ou 4 ?) mars 1784, Blanchard présente à la foule réunie sur le Champ de Mars à Paris un aérostat habité de 27 pieds de diamètre. Le ballon, gonflé à l’hydrogène (et non à l’air chaud utilisé par les frères Montgolfier) est muni d’une hélice et de rames en plumes mues par la force des bras (il semblerait que Nadar, en son temps, se soit attribué l'idée du recours à l'hélice sur un engin volant mais il semblerait pourtant que Blanchard et sa femme avaient déjà breveté l'application aéronautique de l'hélice).En 1784, Blanchard a considérablement amélioré et allégé son dispositif depuis sa première tentative et, à bien des égards, semble s’être inspiré de certaines techniques élaborées par les frères Montgolfier pour réussir l’ascension.

La vraie originalité de l’appareil de Blanchard se résume ici en trois points : l’utilisation de l’hydrogène comme carburant, le recours inédit à l’hélice (Blanchard est le premier à avoir l’idée de fixer des hélices à des engins aéroportés) et la volonté de diriger la direction d’un ballon qu’il souhaite non captif. Sic itur ad astra, telle était la devise de Blanchard.

L’expérience du Champ de Mars est couronné de succès : le ballon, poussé par le vent, franchit la Seine et revient pour se poser rue de Sèvres. Le public ébahi, envahissant les places, les avenues et les toits, assiste au premier vol d’un ballon non captif capable d’atterrir sans s’écraser de manière autonome (ce que n’avaient pas réussi à accomplir les frères Montgolfier).

Pour la petite histoire, il faut signaler l’incident dont Blanchard fut victime juste avant de décoller en ce jour du 2 (ou 4) mars 1784. Encore faut-il préciser que Blanchard était coutumier du fait et semblait s’attirer les coups du sort les plus invraisemblables ou cocasses, mais passons. Voici les faits : pour cette toute première ascension, Blanchard avait convié l’un de ses mécènes, Dom Puech qui, s’apprêtant à grimper dans la nacelle, en fut brusquement empêché par un jeune militaire insensé, lequel sorti des rangs en brandissant son épée déclara vouloir le seul à monter dans le ballon avec Blanchard. L’aéronaute, qui en fut quitte pour se faire planter la lame dans la main, refusa la requête folle et provoqua la colère du jeune homme. Furieux, ce dernier saccagea avec son épée tous les outils de navigation qui se trouvaient dans la nacelle et provoqua une déchirure dans la partie supérieure du ballon. Le militaire se trouva bientôt maîtrisé mais de l’hydrogène commençait à s’échapper dangereusement par le trou béant. N’écoutant que lui, sourd aux conseils de ses amis qui lui recommandaient de reporter son ascension compromise par la fuite d’hydrogène, Blanchard décide de s’envoler. Il lâche du leste, défait lui-même la corde et prend de l’altitude. Trop rapidement en réalité : la fuite d’hydrogène le fait monter en vrille façon baudruche folle. Blanchard dira même s’être retrouvé dans un nuage de basse altitude, ce qui a l’époque, demeurait une expérience aussi inédite qu’angoissante. Il semblerait que le jeune militaire fougueux ait été un certain Dupont de Chambon, ce dont on est à peu prés sûrs aujourd’hui mais une légende attribue ce forfait à un jeune élève prometteur de l’Ecole militaire qui n’était autre que Napoléon Bonaparte. Légende accréditée par des mémoires apocryphes de Bonaparte, apocryphes donc peu fiables.

C’est l’année suivante que Blanchard imprimera définitivement son nom dans l’histoire de l’aéronautique et atteindra le sommet de sa gloire.

Le 7 janvier 1785, accompagné de son fidèle mécène John Jeffries, Blanchard devient le premier homme à avoir traversé la Manche par voie aérienne en reliant Douvres à Guines près de Calais en 2 heures 25 minutes à bord d’un ballon gonflé à l’hydrogène. A ce titre, Louis XVI accordera une pension à Blanchard pour avoir été « le premier aéronaute qui ait traversé les mers ». Le succès est retentissant dans toute l’Europe et l’on parle de Blanchard jusqu’aux Etats-Unis.

Comme il fallait s’y attendre, cette traversée n’a pas été de tout repos. En effet, après seulement un tiers de la traversée, Blanchard et Jeffries se mirent à perdre beaucoup d’altitude et à se rapprocher de manière critique du niveau de la mer. Pour regagner en altitude et éviter tant la mer que les falaises approchantes, il leur fallut d’abord se séparer de tout le leste de la nacelle. Mesure insuffisante, le ballon descendait encore. Ils jetèrent alors toutes leurs vivres et appareils de navigation à la mer. Mais le ballons s’entêtait toujours à vouloir flirter avec les vagues. Aussi, pour éviter d’avoir à se séparer de la nacelle elle-même, Jeffries et Blanchard firent le choix de se déshabiller totalement. La facétieuse embarcation satisfaite de cet impudique sacrifice regagnait enfin en altitude. Et après un arc de ciel décrit dans le ciel, l’aérostat se posa au milieu d’un bois, sur la terre ferme sans qu’il n’y eût de blessés ou de dégâts.

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