mercredi 2 mai 2012

Histoire du surréalisme, Maurice Nadeau



Maurice NADEAU, Histoire du surréalisme, 1970

Genre : Essai historique

Thèmes : Surréalisme, Dadaïsme. Histoire du mouvement surréaliste tel qu’il s’est développé entre les deux guerres mondiales.

Protagonistes : Breton, Tzara, Aragon, Eluard, Jarry, Picabia, Crevel, Dali…

Plan de la fiche (thématique) :
Ÿ         Qu’est-ce que le surréalisme ?
Ÿ         Qui sont les surréalistes ?
Ÿ         Procédés surréalistes
Ÿ         Quelles sont les influences déterminantes du mouvement surréaliste ?
Ÿ         Le surréalisme, la révolte et la révolution

Ÿ         Qu’est-ce que le surréalisme ?

Pour Breton, le surréalisme n’est ni une école littéraire, ni une école artistique : c’est un état d’esprit, une attitude en procès constant avec le réalisme et la logique. Un nihilisme radical nourrit leur démarche révolutionnaire qui saccompagne dun rejet de la raison, de la logique et des valeurs. Il s’agit en effet de renoncer à toutes les productions que la raison engendre (notamment le roman) et laisser l’imagination lever tous les interdits. On pourrait le définir comme une disposition d’esprit qui se donne pour vocation d’approfondir le réel plus que de le transcender.
En 1924, Breton officialise le groupe surréaliste agrégé autour de lui et définit le mouvement en ces termes dans le Manifeste du surréalisme :
« Surréalisme (…) automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. (…) Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé des mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. » Le surréalisme exprime son désir de ne plus voir séparer l’art de la vie. Son idéalisme pur repose tout entier sur la puissance de l’inconscient et de ses manifestations (rêves, écriture automatique, destruction de la logique et de tout ce qui s’appuie sur elle). Ce programme se double d’un caractère volontiers provocateur au lendemain des massacres de la Première Guerre mondiale.

Ÿ         Qui sont les surréalistes ?

Réunis autour du chef de file André Breton, les premiers surréalistes (Louis Aragon, Paul Eluard, Philippe Soupault, Paul Reverdy) sont  avant tout des jeunes gens sortis écœurés et révoltés des tranchées de la Grande Guerre. L’expérience de ce massacre et le climat de défaitisme les incite à rejeter en bloc toutes les valeurs traditionnelles car elles sont le fruit pourri de la raison. Ils se déclarent en insurrection contre l’Histoire. Antibourgeois, antinationaliste et provocateurs, les surréalistes défendront à plusieurs reprises (du moins théoriquement) le recours à la violence voire au meurtre (cf. par exemple le Traité du style d’Aragon en 1928).  Très vite, leurs parcours sont émaillés de scandales souvent conséquents (cf. la bagarre de La Closerie des Lilas). Sous l’influence de Dada et dès 1919, les surréalistes vont développer leur goût de la subversion et affirmer des tendances révolutionnaires. Leur programme révolutionnaire sera d’abord de « changer la vie » (influence : Rimbaud) avant de chercher à changer le monde (influences : Marx, Lénine, Trostsky). D’un mouvement parti d’un idéalisme quasi-mystique de l’esprit sur la matière, on aboutit, au moins théoriquement à un matérialisme de la révolution qui fera parler alors de « révolution surréaliste ». La révolution d’abord poétique tentera de produire une révolution politique.

Ÿ         Procédés surréalistes :

L’écriture automatique : Breton et Soupault s’y adonnent dans Les Champs magnétiques (1919). Ils considèrent l’écriture automatique comme une « pensée parlée ». Ce procédé vise à prouver l’existence d’une matière mentale nouvelle et hallucinatoire à laquelle on accèderait par l’expérience de l’hypnose et d’états proches du sommeil. Il s’agit d’investir une pensée libérée de l’étroitesse de la raison par le lâcher-prise. L’écriture automatique est un moyen de « connaissance de continents inexplorés » (Breton).
+ les collages, associations libres, jeu du « cadavre exquis »…

Ÿ         Quelles sont les influences déterminantes du mouvement surréalistes ?

Influence originelle : En 1916, Breton rencontre un personnage fantasque et fou : Jacques Vaché dont l’un des passe-temps favoris consiste à peindre des cartes postales de mode qu’il assortit de légendes bizarres. Il n’obéit qu’à une loi « l’umour (sans h) » et prône « la désertion à l’intérieur de soi-même ». Sa personnalité aura une influence considérable sur Breton et le surréalisme à venir. 1916 correspond aussi au début du mouvement Dada qui sème pour l’instant le trouble à Zurich.

Influences des débuts :            
Ÿ         Sade pour son opposition radicale aux valeurs traditionnelles.
Ÿ         Le Romantisme français, anglais et surtout allemand
Ÿ         Le Roman noir du XVIIIème pour son opposition à la raison.
Ÿ         Baudelaire pour son expression du mystère de la vie quotidienne.
Ÿ         Rimbaud
Ÿ         Lautréamont et les Chants de Maldoror.
Ÿ         Freud pour sa théorie de l’inconscient et ses travaux sur le rêve.

Influences décisives :
Ÿ         Le mouvement Dada et son chef de file, Tristan Tzara. En 1919, les Dadas arrivent à Paris (avec Françis Picabia, Marcel Duchamp et ses ready-made). Cette arrivée bouleverse les surréalistes. Avec Tzara, le surréalisme prend une autre forme et se radicalise. Dada et surréalistes cultivent alors ensemble l’art de la provocation et du scandale. Tzara se fait le catalyseur des tendances révolutionnaires qui vont s’affirmer chez les surréalistes. Participation des surréalistes aux « spectacles-provocation » des Dadas. Chahuts, scandales, provocations. Tzara voulait prolonger, au moins artificiellement, sur le plan idéologique, l’état anarchique de l’armistice dans un contexte d’instabilité économique, sociale et politique de l’Europe.
Ÿ         Nouveau tournant : la Guerre du Maroc en 1925. Dans leur volonté de destruction de la société bourgeoise capitaliste, les surréalistes entendent mener la Révolution de front avec des organisations para-communistes (parmi lesquelles, la revue Clarté, la seule à mener une action idéologique efficace contre la guerre du Maroc). Nouvelles idoles : Lénine et Trotsky. Bien qu’Aragon prendra sa carte du parti communiste dès 1930, la relation entre le P.C.F. et les surréalistes demeurera tendue et défiante.
Ÿ         Salvador Dali et sa théorie de la paranoïa-critique élaborée en parallèle de la publication des thèses de Lacan sur la paranoïa. Pour Dalí, la paranoïa est une activité systématisée qui vise à produire une intrusion scandaleuse dans le monde des désirs. Dali crée des « objets surréalistes » i. e., tout objet sorti de son cadre habituel, dépaysé. DalI renouvelle le crédo surréaliste en posant que la paranoïa est active alors que l’automatisme et les rêves sont passifs. Ce n’est plus l’inconscient au service de la vie, mais la vie au service de l’inconscient.

Ÿ         Le surréalisme, la révolte et la révolution :

1/Le temps de « l’idéalisme quasi-mystique de l’esprit sur la matière » : Les surréalistes ont d’abord cantonné leur programme révolutionnaire au langage de la poésie et au maniement de l’art subtil de la provocation largement inspiré par Dada. La révolution qu’ils entendent mener à ce moment-là n’a rien de programmatique mais tout du capharnaüm. Mais les surréalistes vont finalement rompre avec Dada et l’agitation destructrice qui caractérisait le groupe. La rupture définitive entre Breton et Tzara aura lieu en 1922.
Idée importante en 1925 :  la Révolution est dans les idées (Aragon). Les surréalistes refusent le pragmatisme, déshonorant selon eux. Toutefois, toujours en 1925, Breton commence à percevoir  les faiblesses d’une telle position et ouvre une nouvelle voie : « Les surréalistes annoncent leur intention de ne pas s’en tenir à l’écriture et d’avoir éventuellement recours à des matériaux matériels pour mener à bien l’entreprise pourtant désespérée de leur Révolution» (déclaration du 27 janvier 1925).

2/Le temps du matérialisme dialectique de la Révolution : La Guerre du Maroc de 1925 est un déclencheur : pour les surréalistes, il ne s’agit plus d’une simple et inopérante « Révolution de l’esprit » car désormais, c’est bel et bien une révolution sociale et politique qu’ils entendent mener. Désormais, on ne veut considérer la Révolution que sous sa forme économique et sociale. Un nouveau manifeste voit le jour : « La Révolution d’abord et toujours ! »
Mais les relations avec les bolchéviques sont tendues même si dès 1926, les surréalistes se disent « jeune intelligence révolutionnaire acquise au communisme. » Alors que faire ? Se cantonner dans  un anarchisme incapable de justifier une révolution ou versé malgré tout dans le marxisme au risque de se voir satellisé par le PC et perdre son autonomie ? Cette question polémique, soulevé par Naville, précipite le groupe au bord de la scission. La conséquence en est que pour un temps, le surréalisme se renferme sur lui-même et se recentre sur ses activités initiales jusqu’à la crise interne de 1929 émergée de la question récurrente de savoir si oui ou non le mouvement devait se mettre aux ordres du PCF. La question n’était pas simple, même pour Breton qui s’inspira pourtant du système des purges soviétiques pour légitimé l’exclusion abusive de nombreux membres du groupe.
En 1930, Aragon se convertit au communisme et veut faire reconnaître l’action de la IIIème Internationale comme seule action révolutionnaire possible. Son prosélytisme déplaît au sein du groupe surréaliste. En même temps, les surréalistes s’enferment dans leur propre contradiction en rappelant que leurs écrits n’engagent pas leurs actes. Ils prétendent donc que leurs écrits n’ont pas à présager de la moindre de leurs actions tout en penchant du côté de la Révolution… Bref, ils souhaitent la réalisation d’un idéal révolutionnaire qu’ils défendent sans toutefois prendre la peine de s’engager personnellement dans la réalisation de cet idéal. On leur reproche de fuir leurs responsabilités (Gide), de « se dérober derrière le paravent de l’art qui excuse tout. » (Gide) Aragon finira par franchir le pas et renier le surréalisme pour se rallier tout entier à la cause communiste.
1933 : élaboration d’une politique du surréalisme. Il s’agit de se dégager de l’influence de la IIIème Internationale. Relations encore plus tendues avec le PCF depuis la rupture avec Aragon. En France, en 1933 et 1934, le climat politique est marqué par un très fort anti-parlementarisme (grève générale, tentative de coup d’état du 6 février. Rupture définitive des surréalistes avec le communisme (mais pas avec la Révolution !).
                                   Projet politique :        - lutter contre le capitalisme qui évoluera vers sa propre                                                                                  destruction du fait de ses contradictions.
                                                                       - Socialisation des moyens de productions.

                                                                       -  Reconnaissance de la lutte des classes comme facteurs                                                                               historiques  et comme source de valeurs morales essentielles.

Face à la montée du fascisme, la contre-attaque révolutionnaire se devra d’être particulièrement agressive. Les surréalistes ont, à de très nombreuses reprises, défendu le recours à la violence.
L’absence de racine du mouvement dans le prolétariat fera avorter le mouvement.






1 commentaire:

Horphé a dit…

Merci pour ce superbe article!

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